mercredi 20 février 2008

Olfaction et délais postaux

Outre un entourage de très bonne composition, le conchyliologue doit posséder un sens olfactif atrophié - ou à défaut une extrême tolérance aux odeurs les plus fortes. Imaginez une bourriche d'huîtres oubliée pendant deux mois dans le coffre hermétique d'un véhicule garé en plein soleil : c'est ce type d'effluves qu'un récent colis en provenance d'Indonésie laissa échapper lors de son ouverture.

Le déballage confirma les craintes originales : la demi douzaine de Conus abbas n'avaient pas été parfaitement nettoyés avant leur empaquetage, loin de là. Les délais postaux - 3 semaines - avaient fait le reste, et si le colis ne grouillait pas d'asticots, c'est uniquement parce que ceux-ci avaient eu le temps de se muer en pupes, puis pour certains en mouches - lesquelles étaient mortes asphyxiées dans les ziplocs, ces petits sachets plastiques étanches (heureusement !) si chers aux collectionneurs.

Un bon rinçage, puis un long bain d'eau de javel concentrée, permirent de mettre fin à la puanteur et d'éliminer en partie le periostracum, laissant voir les harmonieux dessins de cette espèce proche de Conus textile.

Conus abbas Hwass in Bruguière, 1792 - 56-72 mm, Indonésie

Conus abbas fréquente une étroite bande englobant le sud de l'Inde, le Sri Lanka et l'Indonésie, zone particulièrement touchée par le tsunami de 2004. Conséquence collatérale : il s'est beaucoup raréfié sur le marché. La plupart proviennent désormais de l'île de Java, dans la baie de Pangandaran, ou ils sont pêchés aux filets dormants sur des fonds sableux, par 5 à 20 m.


Aire de répartition de Conus abbas - Illustration provenant de la déclinaison Web du Manual of the Living Conidae, Vol. 1 par Röckel, Korn and Kohn (1995). (c) Conchbooks

jeudi 14 février 2008

Collection António Monteiro

A ne surtout pas manquer, un aperçu de la magnifique collection de Conidae et Pectinidae d'António Monteiro (par ailleurs éditeur de The Cone Collector, pour lequel on ne fera jamais assez de publicité). C'est , sur le site d'un marchand brésilien bien connus des collectionneurs, Femorale.

mercredi 13 février 2008

Ce qu'ils sont devenus - Rare shells 5/50

Cinquième épisode de la série relative au destin des 50 espèces mises en avant par S. Peter Dance dans "Rare Shells", consacré à l'un des coquillages les plus mythiques qui soient : Conus gloriamaris Chemnitz, 1777.

Longtemps, Conus gloriamaris a été l'un des plus rares et des plus recherchés des cônes. Pendant près de deux siècles après sa découverte, seule une poignée d'exemplaires ont circulé. En 1967, R. Tucker Abott estime que 63 exemplaires sont connus - et se targue d'en avoir examiné 35.
Plusieurs histoires circulent à son sujet. La plus célèbre est romanesque mais fausse : en 1792, Hwass aurait acheté un exemplaire aux enchères et l'aurait immédiatement détruit, pour que celui déjà en sa possession conserve sa valeur. Une autre est douteuse : un pêcheur, croyant avoir affaire à des Conus gloriamaris, accumula des très communs Conus textile, se fit par plusieurs d'entre eux piquer (les deux espèces sont venimeuses) et en mourut.

Conus gloriamaris Chemnitz, 1777 - 132 mm, Philippines

Quant à sa prétendue rareté, il suffit apparemment de trouver le bon biotope (les fonds sableux ou boueux, de 10 à 300 m.). En 1969, un couple de plongeurs australiens fit probablement fortune en en collectant 120 spécimens à Guadalcanal, dans les Îles Solomons. Il fallut néanmoins encore plusieurs années pour que les prix fondent. Dans Cone shells, Jerry G. Walls rappelle que le tarif tournait, en 1975, autour de $1500, mais baissait rapidement ($800 lorsqu'il écrivit la notule concernant l'espèce, probablement en 1977 ou 1978) et conseillait même d'attendre que le marché devienne plus stable.

Il avait raison : petit à petit, et notamment avec le développement de la collecte aux Philippines, Conus gloriamaris est devenu franchement abordable - disons entre 30 et 150 € selon la taille et la qualité, seuls les spécimens extrêmes valant encore très cher. Le record référencé mesure 166 mm; il provient de Punta Engaño, aux Philippines, et appartient au fameux collectionneur Pete Stimpson (est-ce celui ici photographié ?).

Conus gloriamaris Chemnitz, 1777 - 76 à 80 mm, Philippines

Conus gloriamaris Chemnitz, 1777 - détail

P.S Les curieux pourront voir l'holotype de Conus gloriamaris ici, et télécharger la description originale , sur l'incontournable site de Alan J. Kohn, The Conus Biodiversity Website.

jeudi 7 février 2008

Les deux font la paire (2)

Encore un sénestre. Voici une paire - l'un est enroulé vers la gauche, l'autre vers la droite - de ce qui m'a été vendu comme des Neptunea arthritica cumingii Crosse, 1862, en provenance de la mer de Chine - sans autres précisions.

Neptunea arthritica cumingii (?) Crosse, 1862 - Mer de Chine

La famille des Buccinidae ne faisant pas partie de mon champs de compétence - à part les bulots, et à la seule condition qu'ils soient accompagnés de mayonnaise -, faute d'une documentation adéquate et malgré des recherches tous azimuts sur internet, il reste quelques questions en suspens, notamment :

* Quelles sont les différences - si elles existent - entre Neptunea arthritica Bernardi 1857 et Neptunea arthritica cumingii Crosse, 1862 ?

* Quelle est la fréquence des spécimens sénestres ? Elle semble assez élevée, si l'on en croit leur disponibilité - quoique celle-ci soit assez irrégulière - et les prix - raisonnables - pratiqués.

Si un spécialiste des bulots chinois passe par ici ...

vendredi 1 février 2008

Freak show

On utilise souvent l'anglicisme freak pour désigner les coquilles monstrueuses ou étranges. En voici trois exemples, tous membres de la famille des Strombidae, et plus particulièrement du genre Lambis, bien connu pour ses digitations spectaculaires.

Lambis chiragra chiragra s'orne habituellement de 6 "doigts", assez régulièrement disposés sur le dernier tour de la coquille. Ce n'était pas assez pour le spécimen de gauche, qui en a développé un septième...

Lambis chiragra chiragra Linné, 1758 - probablement Philippines

Ces deux spécimens, dont la grande taille (200 et 250 mm) trahit la condition de femelle, ont été achetés respectivement en Polynésie et à La Réunion. Mais ils proviennent probablement des Philippines, qui les exporte par tonnes comme coquille de décoration.

Même provenance pour ces deux Lambis crocata crocata. Celui de gauche devait être arthritique; quand à celui de droite, il a doublé son canal siphonal. Une curiosité que l'on retrouve assez régulièrement chez d'autres Strombidae, notamment Tibia fusus.

Lambis crocata crocata Link, 1807 - Philippines